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Comment, au cours du demi-siècle qui précède l'indépendance d'Israël (1948), le mouvement travailliste (mené notamment par Ben Gourion) a-t-il conjugué idéologie et action pour élaborer les principes fondamentaux de ce qui allait devenir la société israélienne ? Comment accorder les exigences d'un mouvement national, fondamentalement particulariste, avec les valeurs universalistes du socialisme ? La synthèse était-elle possible ? Il apparaît dès le début des années 20 que, devant l'aspiration à l'idée nationale, les principes socialistes doivent céder le pas. L'aspiration à l'égalité n'a subsisté que comme mythe mobilisateur, voire comme simple alibi. C'est la raison pour laquelle, par exemple, l'expérience du kibboutz n'a jamais débordé le secteur agricole. Le travaillisme, qui a exercé le pouvoir politique jusqu'en 1977 puis de nouveau, en partie, depuis 1992, a oeuvré pour s'assurer l'appui de la bourgeoisie, et donc défendu la propriété privée, pour la mettre au service de la renaissance nationale et de la construction du pays. C'est pourquoi les écarts sociaux ont toujours été très importants dès l'époque pré-étatique, et aujourd'hui ils sont encore plus larges. La " révolution sioniste ", commencée voici un siècle, a été avant tout une révolution nationale _ culturelle et politique _ et non un effort vers une société autre. L'alignement d'Israël sur la bourgeoisie et le capitalisme d'Etat fait partie intégrante de l'héritage des pères fondateurs. La priorité donnée à la nation a permis à Israël, à quatre reprises au moins, de triompher de ses voisins qui niaient jusqu'à son droit à l'existence, mais le prix social en a été très élevé. La paix qui se profile va-t-elle avoir une incidence sur l'organisation interne de la société israélienne, ou bien les pesanteurs du passé seront-elles les plus fortes ? Le travail d'historien auquel s'est livré Zeev Sternhell et que personne n'avait mené avant lui constitue une précieuse contribution aux débats en cours. Professeur à l'Université hébraïque de Jérusalem, Zeev Sternhell s'est fait connaître en France par quatre ouvrages qui ont remis en cause les idées reçues sur les origines du fascisme : Maurice Barrès et le nationalisme français (1972 et 1985), La Droite révolutionnaire, les origines françaises du fascisme (1978 et 1984), et Ni droite, ni gauche. L'idéologie fasciste en France (1983 et 1987), enfin Naissance de l'idéologie fasciste (1989).