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Ecrivain et chercheur adulé en Russie, M. M. Prichvine (1873-1954) incarne, à l'époque soviétique, la continuité souterraine de la grande littérature et de la profonde spiritualité de son peuple. Au fil d'une existence discrète, sans confrontations avec le régime, il a légué une œuvre éclairante fidèle à la grande tradition russe. Alliant la science et la curiosité universelle à la poésie et à la passion de l'humanité, Prichvine transcende toutes les disciplines pour se situer, selon Maxime Gorki, à " un échelon supérieur à celui de l'être humain, sans pour autant le rabaisser ". Son legs d'écrivain explorateur est aujourd'hui un témoignage précieux sur des univers disparus que recelait la vaste terre russe. Qu'est-ce donc que ce " pays des oiseaux sans peur " ? Prichvine l'évoquera, bien plus tard, en ces termes: " A trente ans, je suis parti pour ce pays où mes ancêtres vieux-croyants avaient lutté contre le tsar Pierre, créant dans son immense Etat leur propre " Etat " : leur célèbre Vygoretsia (une île du lac du Vyg). La vue de l'île m'enthousiasma : chaque maison possédait son sauna et chaque petit sauna était cerné d'une nuée grise et dense d'oiseaux de toutes sortes. C'est leur profusion qui m'a poussé à appeler cette terre le pays des oiseaux sans peur. Personne n'avait touché à eux parce que, selon les antiques lois des vieux-croyants; seuls les oiseaux des montagnes et non ceux des eaux devaient assurer la subsistance de l'homme... " L'écrivain devait trouver dans cette expérience unique au pays du Nord, en 1906, matière à se ressourcer, à satisfaire ce " besoin d'âme " que ressentaient à cette époque les intellectuels russes soumis à l'occidentalisation. " J'ai appelé et décrit le lieu des émotions de ma seconde enfance comme le pays des oiseaux sans peur retrouvé. " Ce voyage au pays du Vyg constitue une page émouvante et inoubliable de l'aventure humaine.