Giuseppe Pagano (1896-1945) est né en Istrie, à Parenzo, quand l'Istrie est territoire autrichien. Fervent patriote, il conçoit très vite de forts sentiments irrédentistes, et s'engage dès l'entrée en guerre de l'Italie, en 1915, contre l'Empire autrichien. Plusieurs fois blessé et plusieurs fois décoré, il participe à l'aventure de Fiume menée par D'Annunzio, puis entame à Turin des études d'architecture.
Il deviendra très tôt, en 1928, un architecte reconnu, fervent partisan du renouvellement de l'architecture au sein du "mouvement moderne". Il voit dans le fascisme, auquel il adhère, l'occasion de réformer l'architecture et la construction en Italie, de les rendre plus rationnelles et plus proches du peuple. Parallèlement à son activité d'architecte, il participe à maintes expositions internationales, et organise la Triennale de Milan : il prend aussi, assisté d'Edoardo Persico, la direction de Casabella, de 1931-1932 à sa mort, et donne à cette revue l'aura théorique internationale qui, avec Domus dirigée par Gio Ponti, en fait sans doute le périodique d'architecture le plus important du siècle.
Il mesure peu à peu, douloureusement, l'incapacité du fascisme à répondre aux aspirations qu'il avait mises en lui ; l'art "officiel" triomphe, en dépit de tous ses efforts pour faire admettre une architecture rationnelle et le souci social qui doit l'animer. Il multiplie, dans Casabella et ailleurs, des prises de position de plus en plus hostiles au régime, déployant en cela l'énergie infatigable qui a tant marqué des contemporains.
Devant l'absurdité qu'il y aurait désormais à croire en un régime fallacieux et trompeur, il entre dans la résistance armée. Il connaît plusieurs fois les geôles du régime et la torture. Il s'évade, mais est repris, puis déporté. Il meurt à Mauthausen le 22 avril 1945.