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"Ma famille était normale. Moi anormal, Parce que trop sensible". Qu'est ce que cela veut dire trop sensible ? Sans doute trop fragile, trop perméable à l'environnement humain, trop admiratif de la beauté sous toutes ses formes. Bref en un mot trop artiste, espiègle, troubadour, coureur de jupons, magicien peut-être ou fils du soleil. Alberto Moravia était tout cela en même temps, mais pas seulement et pas que cela. Il faut s'attacher à comprendre qui il était pour étendre cette compréhension à l'écrivain et à son oeuvre ! Et puisque l'homme déclarait être anormal, est ce que l'oeuvre était elle aussi anormale ? A priori on devrait répondre oui, à la manière d'Alberto qui affirmait : "J'ai toujours ignoré la signification du mot normal pour moi rien n'est normal. Ou plutôt, à cause de ma sensibilité, tout est anormal, même la couleur d'une fleur". Le rapport avec la réalité de Moravia, n'est concevable que dans la mesure où il déréalise. C'est un réaliste proclamé, mais incapable de saisir le réel. De cette dichotomie, l'oeuvre se développe et prospère tout au long d'une extensibilité et d'une profondeur dans laquelle s'interpénètrent le réel et l'irréel. "Parfois les écrivains mettent sur le papier ce qu'ils ne font pas dans la vie, justement pour se libérer de certains fantasmes. Qui restent à l'état de fantasmes". Cette remarque de Dacia Maraini traduit le caractère d'une oeuvre riche, contradictoire, évolutive. Une oeuvre régie par un ensemble de données, à l'intérieur desquelles, "l'envie de vivre" ne réside plus dans une volonté délibérée suffisante.