25 boulevard Beaumarchais, c'est l'appartement de Carole Bellaïche. Celui de son enfance et de son adolescence. Cet appartement sera pendant de nombreuses années le terrain de jeu de cette adolescente de 14 ans à peine qui se lance dans la photographie à l'âge où d'autres se concentrent plutôt sur leur propre image. "C'est là que j'ai commencé à photographier, que j'ai appris la lumière, les ambiances, la lumière directe, le contre-jour, la mise en scène de mes modèles dans tous les coins de l'appartement, les perspectives, et où est née cette passion pour les maisons, les lieux, qui deviennent des décors, comme s'ils appartenaient plus à un monde de fiction qu'au réel".
nous dit Carole. C'est là que tout commence : elle caste ses modèles sur les bancs du lycée, aux terrasses des cafés parisiens et leur demande de poser dans cet incroyable studio photo qu'est l'appartement familial. Elle dompte la lumière, fait l'expérience de la pellicule argentique noir et blanc, juxtapose les visages juvéniles et charismatiques des filles de son âge sur fonds sombres d'où émergent le mobilier ancien chiné par sa mère et les moulures, développe ses films et fait ses tirages dans un petit cabinet de toilette qui jouxte la chambre de sa soeur aînée.
Se succéderont alors, entre les allers et retours des amis et de la famille, Emmanuelle Béart, Juliette Binoche, Julie Delpy, Anna Karina, Anne Brochet, Tom Novembre, Charlélie Couture, Jacques Dutronc, François Cluzet, Dominique Issermann, Gabrielle Lazure, Aurore Clément, Francis Huster, Marie Trintignant, Jacques Bonnaffé et tant d'autres. Tous ces acteurs seront le point de départ d'un travail photographique que Carole Bellaïche entamera quelques années plus tard.
Plaçant cinéastes et comédiens dans les musées, elle collaborera de nombreuses années avec les mythiques Cahiers du Cinéma. Certains d'entre eux se souviennent du 25 boulevard Beaumarchais. Invités à raconter la manière dont ils ont vécu ces prises de vues atypiques menées par une toute jeune femme, ils livrent dans ce livre des témoignages intimes et sincères. "Cet appartement du 25 boulevard Beaumarchais n'était pas juste un bel appartement, il fut ce que l'on y a fait.
Et nous l'avons quitté, forcés, obligés. C'était en août 1990". conclut Carole Bellaïche. Mais de "cette île, de ce royaume" tel qu'elle décrit l'appartement, il reste des montagnes de boîtes en cartons élimées dans lesquels s'entassent des tirages en noir et blanc, certains en couleur, des milliers de négatifs, mais surtout de la nostalgie, de l'amitié, de l'amour et le témoignage singulier de la naissance d'une photographe hors-norme.