" Le voyage donnera la connaissance des peuples ", dit Sénèque. Les voyageurs du monde antique ne partageaient pas tous cette vision humaniste du " départ de chez soi ". Mais tous nous ont laissé des témoignages sur leurs périples si bien que l'on peut parler d'une culture voyageuse de l'Antiquité. N'est-ce pas les Grecs qui ont trouvé le mot désignant le voyage " pour voir du pays ", préfiguration des " circuits " touristiques d'aujourd'hui ?
Des pèlerinages - la première forme du tourisme - aux voyages pour découvrir les " délices " des villes du Proche-Orient ou l'Asie, " presque aussi belle que la Grèce ", ce livre nous montre toutes les occasions qu'avait l'homme antique de quitter sa partrie, les mille et une difficultés qu'il rencontrait sur sa route, ses peurs, ses émotions et, parfois, ses émerveillements, tel ce Grec qui, devant le sphinx de Gizeh, s'exclame : " Spectacle divin ! Vision effrayante ! Noble apparition ! ". C'était déjà l'époque des voyages officiels, des déplacements profesionnels, des tournées d'artistes et d'athlètes. Mais d'autres partaient sous la pression de la fatalité, migrants saisonniers ou exilés, pour qui le voyage était rarement d'agrément. Certains allaient même au bout du monde afin de se trouver eux-mêmes ; pour eux, les péripéties du voyage étaient autant d'épreuves initiatiques.
Au fil des explorations et des conquêtes, tandis que les communications s'améliorent et que les auberges se développent, les mentalités évoluent. Mais le voyage est toujours une expérience différente pour les Grecs et les Romains. Le Grec a naturellement la vocation du voyage, alors que, paradoxalement, le Romain, qui a soumis le monde à sa loi et a créé un vaste réseau de routes, reste plus casanier. Les hommes de l'Antiquité cherchent à se retrouver entre eux : les hauts lieux du tourisme sont d'abord des espaces de sociabilité.
Jean-Marie André est professeur de langue et littérature latines à Paris IV.
Marie-Françoise Baslez est professeur d'histoire ancienne à l'Ecole normale supérieure.