La fièvre jaune, une maladie fulgurante, dramatique (" le vomi noir ") et très souvent mortelle, fut surnommée " la malédiction des tropiques " puisqu'elle s'attaquait en priorité aux nouveaux arrivants dans les pays chauds. Elle fut de ce fait un obstacle sérieux à la colonisation, mais aussi à l'immigration dans ces pays et à leurs contacts avec le reste du monde. La description vers 1900 du rôle du moustique Aedes aegypti dans la transmission de la fièvre jaune a ouvert la voie à l'élimination de ce fléau. Entre 1900 et 1945, des chercheurs de l'Institut Pasteur de Paris, ceux de l'International Health Division de la Fondation Rockefeller à New York, et de nombreux médecins, administrateurs et politiciens brésiliens ont multiplié les efforts pour contrôler la fièvre jaune au Brésil.
Ces efforts ont stimulé la circulation des connaissances scientifiques entre les pays occidentaux et ceux de l'Amérique latine. En parallèle, la lutte contre la fièvre jaune a joué un rôle important dans des tentatives d'assainissement de l'intérieur du Brésil, et plus largement dans l'aspiration à construire une nation brésilienne unie et dotée d'une identité spécifique. Elle fut aussi rattachée aux débats et aux controverses autour de la modernisation du Brésil et l'acceptation ou le rejet du modèle occidental. De ce fait, la diffusion des savoirs scientifiques, des techniques de laboratoire et des approches de santé publique utilisés pour combattre la fièvre jaune fut inséparablement liée à la propagation des pratiques administratives, des concepts culturels et des idées politiques.
Au-delà de l'intérêt qu'elle présente par elle-même, l'histoire de la lutte contre la fièvre jaune au Brésil soulève ainsi de nombreuses questions touchant aux problèmes de transfert de science et de technologie du centre vers la périphérie, aux rapports entre travail de terrain et recherches en laboratoire, au contrôle médical des populations et aux modalités de prise de décision en matière de santé publique.