L'Histoire d'un coeur simple est tout bonnement le récit d'une vie obscure, celle d'une pauvre fille de campagne, dévote mais mystique, dévouée sans exaltation et tendre comme du pain frais. Elle aime successivement un homme, les enfants de sa maîtresse, un neveu, un vieillard qu'elle soigne, puis son perroquet ; quand le perroquet est mort, elle le fait empailler et, en mourant à son tour, elle confond le perroquet avec le Saint-Esprit. Cela n'est nullement ironique comme vous le supposez, mais au contraire très sérieux et très triste. Je veux apitoyer, faire pleurer les âmes sensibles, en étant une moi-même. Gustave Flaubert. Vingt ans après Madame Bovary, Gustave Flaubert reprend sa pièce maîtresse sous un autre angle et nous la montre par le petit bout de la lorgnette. En effet, la Félicité qu'il nous dépeint ici ressemble à s'y méprendre à la domestique d'Emma Bovary qui s'appelait... Félicité ! On retrouvera donc ici tout le parfum normand de Madame Bovary mais totalement aseptisé de ses vapeurs de soufre. L'auteur a vieilli et ne s'intéresse plus autant au scandale que par le passé, une envie, sans doute de revenir à des choses moins superficielles, prosaïques, assurément moins brillantes mais peut-être plus ancrées en lui... Flaubert a su faire de l'écriture un point de broderie. C'est vrai ailleurs dans son oeuvre, et c'est vrai évidemment ici dans Un Coeur Simple. Un ouvrage de facture pointilleuse, métrée, cadencée, contournée, imbriquée, complexe derrière une apparente simplicité, foisonnante sous ses airs de sobriété.