La poésie populaire ne se définit pas par l'anonymat de ses auteurs. Il y a des œuvres anonymes qui ne sont pas du tout populaires, et des œuvres signées qui le sont profondément, par exemple entre mille autres Le Temps des cerises de Jean-Baptiste Clément, ou Auprès de ma blonde d'Henry Murger. Le seul critère de la valeur d'une chanson ou d'un texte est dans le domaine de la popularité ; autrement dit s'intéresser à la poésie populaire c'est étudier l'incessant va-et-vient de la tradition écrite. Car ce qui s'accomplit dans la poésie populaire de bouche à bouche, de ville à campagne, s'accomplit dans l'esprit même du créateur solitaire, de bouche à oreille, de rire à malentendu, de mémoire à oubli. Le poème suit dans le peuple le même petit bonhomme de chemin que suit le manuscrit du poète enfermé seul dans son cabinet. Que l'homme travaille dans la retraite, ou que les hommes se mettent à " plusieurs ", les lois du génie sont les mêmes. Fabre d'Eglantine préside à tous les jeux d'enfants depuis plus de deux siècles avec Il pleut bergère, et Rouget de l'Isle à toutes les révolutions avec La Marseillaise.
Ainsi, comme nous dit si joliment Claude Roy dans cette anthologie : Aimer la poésie populaire, ce n'est pas retomber en enfance, c'est remonter en humanité.