"La traduction favorise la compréhension entre les peuples et la coopération entre les nations", lit-on dans les actes de la conférence de Nairobi organisée par l'Unesco en 1976. On se figure volontiers la traduction comme un pont permettant de passer d'une "langue source" à une "langue cible" comme on se rend d'une rive "de départ" à la rive "d'arrivée ". Conciliatrice en apparence, cette représentation ne risque-t-elle pas de favoriser l'instrumentalisation identitaire des langues ? La traduction est-elle un moyen de bâtir des rencontres ou de sécuriser des frontières ? Dans un contexte de "débat" sur un rétablissement des frontières européennes, il y a une certaine forme d'urgence à modifier la représentation de l'acte de traduire. Aucune traduction ne se réduit au passage d'une langue source à une langue cible, car aucune "langue" n'est une entité stable et indivisible. A partir de là, un examen concret des textes est nécessaire pour affiner la théorie par l'expérience. Seule une pensée pratique est à même de rendre compte de l'événement qu'est la traduction.