De 1928, date des premières représentations de Siegfried, à sa mort, en janvier 1944, Jean Giraudoux a écrit une quinzaine de pièces de théâtre qui font de lui, avec Claudel, l'auteur français le plus important de la première moitié du XXe siècle. S'il a continué à être joué et lu depuis la guerre, c'est qu'il a été le dernier écrivain à croire que le théâtre faisait partie intégrante de la littérature. Loin de tout réalisme, ce théâtre prolonge jusqu'à nous les prestiges du classicisme français, dont Giraudoux a retrouvé le style en le teintant d'ironie savante. La culture, chez lui, ne peut faire oublier son modernisme ni son appartenance à une époque qu'il a voulu placer entre les parenthèses de deux guerres. Grand créateur de personnages, vus souvent à travers les acteurs prestigieux de la troupe de Jouvet qui les ont interprétés en premier, Giraudoux se signale à nous non seulement pas la perfection de l'écriture, mais par une sensibilité qui lui fait retrouver, si abstrait et si raffiné soit-il, la réalité des passions. Son humour léger ne l'écarte pas non plus d'une morale du bonheur, où l'éternel féminin joue un rôle de premier plan. Qu'il utilise les grands thèmes classiques ou qu'il invente des situations et des personnages inédits, le théâtre de Giraudoux, plus grave qu'il ne paraît, veut nous réconcilier avec la vie. Guy Dumur