L'invisible et l'inouï Rimbaud définit en ces termes, dans sa lettre du " Voyant " en mai 1871, sa quête de l'écriture. En vérité, cette aventure a commencé, au moins un an plus tôt, sous le signe du romantisme et du Parnasse, avant d'en congédier rapidement les divers modèles. Elle ne conçoit d'autre poésie qu'ouverte sur l'inconnu, toujours " en avant ", selon un devenir qui la conduit au vers libéré puis au vers libre et aux proses (Une saison en enfer, Les Illuminations). Si les "inventions d'inconnu " réclament des " formes nouvelles ", c'est que l'art est le lieu où s'expérimentent des modes de voir et d'entendre jusque- là inédits. Ce parcours n'est pas métaphysique. Une saison en enfer est la preuve, au contraire, que le sujet affronte ici la " réalité rugueuse " du monde. Rien de plus concret et de plus matériel que cette poésie lorsqu'elle s'engage dans la fantasmagorie et l'hallucination. Il y a un goût Rimbaud, qui est le trait représentatif de sa manière, lié à la force du corps. Impensable sans le " dérèglement de tous les sens ", ce corps libère la pensée et la langue. S'il parodie les référents majeurs de la tradition lyrique, il ébranle aussi la religion et le pouvoir (du second Empire à la troisième République). Telle est l'éthique rimbaldienne que les spécialistes réunis dans cet ouvrage s'attachent à décrire pour en dégager le sens et la valeur. Attentifs à la matérialité d'une " oeuvre " au destin éditorial peu commun, ils en développent les enjeux esthétiques, formels, idéologiques, et proposent une série d'exercices techniques plus spécifiquement destinés à la préparation des agrégations de Lettres.