Les trois opuscules ici traduits (Production virile du siècle, Récusation des doctrines philosophiques, Pensées et vues sur l'interprétation de la nature), bien que publiés après la mort de Bacon, apparaissent comme autant d'esquisses de YInstauratio Magna. Inscrits dans le projet de la réforme du savoir, ils participent comme le reste de l'oeuvre proprement philosophique d'une ambition déçue : devant les obstacles institutionnels qui bloquent la réalisation du projet, il s'agit, en se bornant désormais au terrain théorique, de populariser les idées nouvelles. Le problème n'est plus de mettre au point un programme de reconstruction des sciences, mais bien de trouver un mode d'exposition susceptible d'emporter l'adhésion du public. Les opuscules peuvent dès lors être considérés comme autant d'" expériences " destinées à tester les réactions du lecteur et à évaluer les moyens de s'attirer la meilleure audience possible ; bref, comme trois variations littéraires sur un même thème, régies par trois modèles distincts, où l'urgence d'une prise nouvelle sur la nature requiert une expression opportune et la trouve. Dans tous les cas, la procédure classique de la réfutation (qui suppose un terrain commun où s'ouvre la discussion) s'estompe au bénéfice de la récusation (où la polémique globale tend à remplacer l'argumentation proprement dialectique) : une analyse critique des spectacles montés par la tradition y repère comme le théâtre des tendances ordinaires à l'esprit humain. Mais cette perspective demeure résolument méthodique, parallèle en cela du moins à la place que la logique traditionnelle réservait à la réfutation, dans la phase négative de sa stratégie. Car la dénonciation des idoles constitue déjà un premier pas dans la réforme du savoir.