Entre toutes les nations occidentales, la France se singularise par le nombre de ses lois " mémorielles ". Depuis la loi Gayssot, votée en 1990 pour punir le négationnisme, le Parlement a édicté tour à tour des lois relatives au génocide arménien, aux traites négrières transatlantiques, puis à la colonisation. Singulier dispositif législatif, sans précédent, qui
transforme des jugements historiographiques en délits ! Dans un but certes louable, les parlementaires ont ouvert ce qui se révèle être une terrible boîte de Pandore. Verra-t-on bientôt les chercheurs choisir leur sujet en fonction de son innocuité ? Comment en est-on venu là ? De quelles complexes transformations de la mémoire nationale est-ce le résultat ? Les démocraties compassionnelles que sont devenues nos sociétés veulent-elles réellement un avenir où la vérité serait proférée par l'Etat ? La communauté des historiens s'est légitimement émue de cette situation. Aussi René
Rémond a-t-il pris la tête d'une association réclamant l'abrogation de toutes les lois
mémorielles. Toutes ? Il s'en explique ici, en menant une réflexion ouverte sur le métier d'historien, sur la politique identitaire à l'œuvre dans notre pays, sur les rapports de la mémoire et de l'histoire, sur la communauté nationale.
René Rémond, président de la Fondation nationale des sciences politiques, membre de l'Académie française, a publié récemment Les Droites aujourd'hui et L'Invention de la laïcité.