Qu'en est-il des oeuvres innombrables qui ont existé et n'existent plus ? Ces oeuvres perdues gardent parfois une pâle présence. Explorer la perte, c'est prendre en considération ce qui subsiste à peine et pourtant a pleinement existé, les débris, les fragments, les ruines, les conceptions englouties, les productions abandonnées, les restes presque oubliés. Pour nous, perdre est un phénomène nourri d'exemples et de cas. C'est à travers des histoires de perte, aussi bien anecdotes historiques que vignettes légendaires, que nous essayons d'avoir prise sur ce qui manque. Et ces historiettes innombrables, toujours dramatiques, souvent répétitives, sont aussi le matériau imaginatif qui permet d'explorer la face sombre de la mémoire. Les épisodes et les exemples se concentrent sur le moment dramatique de la perte qui a failli avoir lieu, ou qui a malgré tout eu lieu. Ou bien, au contraire, sur les redécouvertes et les retours d'intérêt qui abolissent triomphalement l'oubli précédent. Ces anecdotes mêlent les violences réelles, les destructions mythiques, les altérations multiples du faux et les dégâts profonds dus à l'indifférence. Par elles, l'imagination de la mémoire s'empare du destin obscur qui est à l'horizon des oeuvres.