Emblème par excellence d'une modernité conquérante, le XVIIIe siècle a cherché à délier les individus de leurs anciennes servitudes. Pourtant, les traditions que raillent les Lumières se rapportent essentiellement aux superstitions, aux coutumes ou aux préjugés nationaux, pendant que leur ambition critique se ressource en permanence aux lettres antiques. C'est pourquoi écrivains et philosophes, peintres et musiciens entretiennent alors avec les Anciens une relation fondée sur un réseau de sympathies électives, lui-même appelé à former une communauté de pensée où expériences passées et interrogations présentes deviennent les conditions nécessaires à l'invention de l'avenir. C'est cette communauté entre Anciens et Modernes que cet ouvrage propose d'explorer afin de tirer de ce précédent mémorable l'exemple d'une modernité où l'avenir se nourrit également du souvenir. Pareil rapport à l'histoire ne procède ni d'une nostalgie passéiste ni d'une science historique soucieuse de comprendre en quoi le passé diffère du présent, mais d'un parallèle entre les âges qui institue entre notre présent et nous-mêmes la distance que requiert l'exercice d'un regard critique. Le parallèle des Anciens et des Modernes devient ainsi ce qui dynamise un imaginaire où le temps de l'expérience historique, toujours réversible, reflue et tourbillonne sans cesse. Marc André Bernier est professeur de littérature à l'Université du Québec à Trois-Rivières. Titulaire de la chaire de recherche du Canada en rhétorique, il est président de la Société internationale d'étude du dix-huitième siècle.