En apparence, tout sépare la psychanalyse de la littérature médiévale - les structures mentales, les concepts mis en circulation par Freud qui n'ouvrent la voie des textes qu'en manquant l'essentiel... Pourtant, ces textes ne cessent de dire, avec une constance têtue, les errances du désir, les impasses de la jouissance qui font de l'amour un voile d'oubli jeté sur l'impossible union de l'homme et de la femme. Là où elle se fait passion de l'impossible, la littérature médiévale anticipe la clinique freudienne transformant en savoir la souffrance de l'hystérique dont le symptôme tente de parer à l'impossible sexuel. La " clinique littéraire " décrit la manière dont les textes éludent cette impasse et y enracinent la singularité de leur écriture; ce faisant, elle recueille un savoir psychanalytique, sur la grammaire du fantasme, le sujet, l'objet... Vouée à l'étude des rendez-vous manqués, la " clinique littéraire " s'avère aussi le champ où le rapport entre la littérature et la psychanalyse apparaît comme évident et nécessaire et pourtant impossible. Dans ce ratage, gît la chance d'un savoir sur le texte, l'avènement et le suspens de l'écriture... apte à (re)donner à la littérature médiévale sa juste place dans le concert critique.
Jean-Charles Huchet enseigne la littérature médiévale à l'Université de Genève. Il collabore au magazine freudien L'Ane et a publié plusieurs essais : Le Roman médiéval et L'Amour discourtois.