Socrate aimait se décrire comme un taon attaché au flanc de la cité, l'aiguillonnant sans lui laisser de répit ; ni habitant d'une tour d'ivoire, ni serviteur de l'Etat (ou de la Révolution). Comment l'imiter aujourd'hui, alors que les sciences humaines et l'histoire partent d'un tout autre rêve : saisir les faits sans porter de jugement ; traiter de l'humain comme s'il n'en était pas un ? Pour critiquer ce qui est, ne doit-on pas croire en ce qui doit être ? Les morales de l'histoire constituent d'abord une réflexion sur les formes que prend la connaissance de l'humain : Tzvetan Todorov interroge le rapport entre faits et valeurs, vérité et fiction, interprétation et éloquence ; il examine le rôle de l'intellectuel contemporain. Mais cet ouvrage est aussi une mise en pratique de la "science morale et politique" : comment vivre la liberté à l'intérieur d'une société ? Comment pratiquer l'égalité entre sociétés différentes ? Ce livre rappelle quelques faits et leurs interprétations tels que la colonisation ou la conquête de l'Amérique, vue par les Aztèques. Il ressuscite des débats d'époques très variées, entre Socrate et les Sophistes, Montaigne et Montesquieu, Spinoza et Locke, le vicomte de Bonald et Benjamin Constant, Léo Strauss et Raymond Aron. Tout au long de ces divers parcours il tâche de ne pas perdre de vue l'essentiel : les morales de l'histoire.
Tzvetan Todorov, né en Bulgarie, vit en France depuis 1963. Chercheur au CNRS, il est l'auteur de plusieurs ouvrages de théorie littéraire, d'histoire de la pensée et d'analyse de la culture.