L'orphelinat de Sainte-Marie, à Vouvray, est un grand bâtiment carré, de construction récente, affectant au-dehors l'aspect d'un couvent. Les fenêtres des dortoirs, qui donnent sur la campagne, sont haut percées, mais ne sont point garnies de grilles. Les ateliers, le réfectoire et les salles d'étude donnent sur une cour intérieure divisée par une grille ; la moitié de la cour est réservée aux orphelines jusqu'à l'âge de quinze ans ; l'autre moitié aux orphelines de quinze à vingt ans. L'établissement est dirigé par des soeurs de Saint-Vincent-de- Paul. C'était à l'orphelinat de Vouvray que Claire et Louise, deux gentilles fillettes, l'une aux yeux bruns, l'autre aux yeux bleus, avaient été envoyées après la condamnation de leur mère, après l'envoi de leur père dans une maison d'aliénés. Elles avaient bien pleuré, les petites, lorsqu'elles s'étaient trouvées seules. Mais leur père, lorsqu'il les regardait dans sa folie, avait des yeux si terribles qu'il leur faisait peur. Elles se réfugiaient alors au fond de la chambre, tremblantes, les mains dans les mains, serrées l'une contre l'autre. Quand on avait enlevé leur père, elles n'avaient rien dit, mais lorsqu'elles ne virent plus, autour d'elles, que des visages étrangers, elles se mirent à sangloter et à réclamer leur mère. - Maman ! Je veux qu'on me rende maman ! ... A l'orphelinat, les soeurs leur avaient donné quelques jouets. Peu à peu, les souvenirs s'étaient atténués dans ces jeunes cerveaux, prêts aux impressions nouvelles... Les jours, les mois, les années apportèrent un voile sur leurs pensées... Le fantôme de la mère, comparable à un beau lis, disparut.