Associer Nantes à la guerre de course au XVIIIe siècle a de quoi surprendre tant la ville et son port ont bâti leur richesse sur la traite négrière et le commerce des denrées coloniales, le sucre notamment. Toutefois, la révolte de Saint Domingue le 22 août 1791 et, surtout, les déclarations de guerre successives de 1793, d'abord à la Grande Bretagne et aux Provinces-Unies le 1er février, puis à l'Espagne le 7 mars, rebattent les cartes commerciales et contraignent les milieux économiques nantais à s'adapter à cette nouvelle conjoncture. Faute de pouvoir commercer facilement dans l'Atlantique et sur les eaux européennes, l'armement en course représente une alternative risquée mais potentiellement lucrative à laquelle les Nantais s'adonnent en grand nombre, faisant de la ville la première place corsaire en 1797 et la seconde en 1798, derrière Dunkerque, avant l'éclatement de cette bulle spéculative marqué par une vague de faillites sans précédent pour la ville au cours de l'an VII. A partir d'une exploitation systématique et renouvelée des archives relatives à la guerre de course à Nantes pendant la Révolution, l'objectif de cet ouvrage est de faire la lumière sur un phénomène de courte durée mais dont l'impact économique et financier a été très important pour la ville et l'estuaire de la Loire. Derrière quelques figures emblématiques, tel l'armateur Félix Cossin qui parvient à asseoir fortune et élévation sociale grâce à une série de prises très rémunératrices, la guerre de course conserve sa réputation de loterie et fait une majorité de malchanceux, à Nantes comme ailleurs. Pourtant, au-delà des armateurs et actionnaires bénéficiaires ou non, l'activité corsaire a représenté un moteur et a entraîné dans son sillage de nombreux secteurs d'activité telles que les entreprises de construction et réparation navales ou les métiers liés à l'avitaillement et au convoyage sur le fleuve, autant d'éléments invitant à reconsidérer le dynamisme des ports français au cours de la Révolution.