Faire partie d'une Ecole, être enrôlé sous un drapeau, cela peut être utile à l'écrivain qui débute, mais cela peut ensuite se retourner contre lui. Les lecteurs superficiels ne sont pas éloignés de regarder, encore aujourd'hui, les auteurs des Soirées de Médan comme de simples imitateurs d'Emile Zola. On met à part Guy de Maupassant dont l'originalité saute aux yeux ; mais, pour les autres, on se figure volontiers que le goût des réalités brutales est leur tout ; que ce caractère, qui leur est commun, est aussi leur unique caractère ; qu'ils sont pareils et indiscernables. Pourtant MM. Huysmans, Céard, Hennique diffèrent de leur maître par plus d'un côté et ne se ressemblent point entre eux. M. Huysmans, surtout, a sa vision du monde, ses manies et sa forme, et est assurément un des écrivains les plus personnels de la jeune génération. Allez au fond de son oeuvre : vous trouverez d'abord un Flamand très épris du détail, avec un vif sentiment du grotesque ; puis le plus dégoûté, le plus ennuyé et le plus méprisant des pessimistes ; un artiste enfin, très incomplet, mais très volontaire, très conscient et raffiné jusqu'à la maladie : le représentant détraqué des outrances suprêmes d'une fin de littérature.