Quelque part sur la mer Egée, voici un " homme qui flotte ". Non que Foulques, surnommé Fou par ses amis, soit cramponné à une épave : en compagnie de Clara, directrice d'un grand journal de mode, et d'un garçon platiné qu'elle a invité pour faire nombre, il passe des vacances luxueuses et sans histoire sur un yacht de location. Mais il n'en est pas moins un naufragé à sa manière, mal dans sa peau de quadragénaire, noyé dans un rêve d'évasion. Il suffira d'une rencontre à Epidaure pour que Fou retrouve soudain l'impression de respirer comme autrefois. T-shirt, blue-jeans et cheveux " blond fraise " - ainsi dit-on chez elle - Jill lui apporte une bouffée d'Amérique qui a pour lui le parfum d'une passion toujours vivante. Avec Jill resurgit l'image d'Alison, une autre blonde qui fut le premier, le seul grand amour d'un jeune Fou de vingt ans, dans l'île de Nantucket, chère à Melville, où il a vécu avec elle le plus bel été de son existence, et le début d'un long roman jamais achevé. Rajeuni par le cadeau de cette passagère inespérée, Fou entreprend un " voyage à l'envers " de son âge, comme si Alison et Jill, comme si les Amériques pouvaient se succéder au point de se confondre, quand on le veut. Au travers de ce livre où la tendresse grince, où l'amour écorche, la romancière de Boy et du Petit Matin traite un sujet grave, qu'elle a sournoisement déguisé de frivolité. Avec la précision imparable d'un écrivain s-r de soi, elle vous surprend au détour d'une page, elle vous saisit, et ne vous lâchera plus. Le talent ? Mieux que cela : un coeur qui bat si juste, si vrai qu'on prend son rythme jusqu'au bout, sans même y penser.