D'où vient qu'exclus de notre vie par notre travail, nous en soyons aussi exclus en ne travaillant pas ? Autant que le travail peut justifier toute une existence en l'absorbant, d'où vient qu'en l'absorbant il puisse plus souvent encore la mortifier jusqu'à l'anéantir ? Analysant, dans l'exercice du travail, la relation de la conscience avec le temps, de chaque personne avec son métier, de l'esprit avec la nature, de l'individu avec la communauté, cette étude doit être lue à la fois comme un traité de morale et comme un précis de sociologie.
Contrairement à tant d'enquêtes et de prophéties contemporaines, ne convient-il pas de distinguer un travail proprement formateur et un travail simplement producteur ? N'est-il pas aussi erroné de confondre le loisir et l'oisiveté que de réduire le travail à l'emploi ? Au lieu de regretter tant d'emplois qui séparaient les travailleurs de leur vie et de leur identité, la dernière révolution technologique ne permet-elle pas d'espérer que la vie de chaque individu se transfusera d'autant plus dans celle de l'humanité qu'il aura passé plus de temps à se former qu'à produire ? Comment une telle ontologie de la médiation ne verrait-elle pas alors dans le mercantilisme la plus insidieuse et la plus maligne des pathologies sociales ?
Professeur émérite à l'Université de Paris-Sorbonne, Nicolas Grimaldi y occupait la chaire d'Histoire de la philosophie moderne avant d'y occuper celle de Métaphysique.