L'autre titre de ce livre aurait pu être " Le Film des années ", ou bien encore " L'Ecran Révélateur ". Le cinéma est historien en effet par nature, puisqu'il prélève du temps réel, " historique ", afin d'y inscrire ses propres récits. Il était donc terriblement tentant de lire la pellicule des deux côtés, côté support et côté image, côté mat et côté brillant, comme disent les techniciens. Côté support : l'histoire réelle, politique, littéraire, métaphysique et sentimentale de la période qui va de 1928 à 1938. Côté image : l'idée même qu'à travers les fictions cette avant-guerre veut donner d'elle-même. Je jure que je ne me doutais pas, en entreprenant ce livre, de tout le luxe d'interactions qui me serait offert pour en jouer, à la façon d'un romancier ou d'un monteur scrutant un document devant sa table. Je me suis permis de romancer cette histoire et de camper les personnages qui l'ont à mes yeux vécue de façon exemplaire : Greta Garbo et Michel Simon, Marlène Dietrich et Jean Renoir, Ernst Lubitsch et Jean Cocteau, Jean Vigo et Joseph von Sternberg, Luis Bunuel et Charles Chaplin. J'ai tenté, en somme, de poursuivre la diablesse fiction dans ses retranchements historiques et de lui faire une cour pressante, afin qu'elle me confie une part de ses secrets. Claude-Jean Philippe