"Je n'avais pas encore onze ans, lorsqu'au mois de juillet on m'envoya passer quelque temps aux environs de Lyon, dans une terre appartenant à un de mes parents, M. Tuille, qui continuellement réunissait alors chez lui une cinquantaine d'invités, peut-être même davantage ; car, je dois le dire, ces souvenirs sont lointains ! Tout y était gai et animé ; c'était une fête perpétuelle. Notre hôte paraissait s'être juré de dissiper le plus vite possible son immense fortune ; et, en effet, il réussit rapidement à résoudre ce problème : il jeta si bien l'argent par les fenêtres, que bientôt il n'en resta plus vestige. A chaque instant arrivaient de nouveaux hôtes : on était là tout près de Lyon, que l'on voyait à l'horizon, de sorte que ceux qui partaient cédaient la place à de nouveaux venus, et la fête continuait toujours. Les divertissements se suivaient sans interruption, et l'on n'en voyait pas la fin : parties de cheval dans les environs, excursions dans la forêt et promenades en bateau sur la rivière ; festins, dîners champêtres, soupers sur la grande terrasse bordée de trois rangées de fleurs rares, qui répandaient leurs parfums dans l'air frais de la nuit. Les femmes, presque toutes jolies, semblaient, à la lueur d'une illumination féerique, encore plus belles, avec leurs yeux étincelants et le visage animé par les impressions du jour".