Le "gouvernement" des juges ne heurte-t-il pas frontalement le sacro-saint principe de la séparation des pouvoirs que notre Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen associe étroitement à la notion même de Constitution ? N'évoque-t-il pas une immixtion abusive des juges dans la conduite des affaires politiques qui, dans toute démocratie bien comprise, doit rester l'apanage des pouvoirs législatif et exécutif, seuls légitimement investis par le peuple d'une telle mission ? C'est donc l'image d'une menace diffuse, le " spectre " d'un débordement condamnable qui vient ici spontanément à l'esprit, même si, pour certains, ce spectre se réduirait en définitive à un simple mythe. (...) Depuis quelques années, le débat s'est amplifié aux Etats-Unis autour de la politique jurisprudentielle de la Cour Rehnquist et de plusieurs décisions rendues dans un contexte particulièrement sensible. On y retrouve des accents faisant écho aux critiques adressées à l'institution judiciaire à la fin du XIXe siècle ou au début du XXe siècle et rapportées par Edouard Lambert dans Le gouvernement des juges. Franck Moderne