De 1459 à 1461, la ville d'Arras en Artois fut le théâtre d'une violente persécution dirigée contre des hommes et des femmes que l'inquisiteur du diocèse accusait. de se rendre à la " vauderie ", c'est-à-dire au sabbat des sorciers. Trente ans plus tard, la mémoire des victimes fut réhabilitée par le Parlement de Paris. Plus connu sous le nom de Vauderie d'Arras, ce célèbre procès en sorcellerie du XVe siècle a longtemps fait figure d'anomalie dans le cadre historique de la grande chasse aux sorcières : la répression, en effet, ne se déploie pas en territoire rural mais en milieu urbain ; elle n'atteint pas seulement des marginaux mais de riches marchands ; des échevins... Atypique, la Vauderie d'Arras a ainsi été souvent réduite par l'historiographie classique à la taille d'une simple anecdote relevant avant tout de l'histoire locale. Cette étude entreprend de replacer l'événement dans une configuration politique et idéologique beaucoup plus large que celle de la capitale de l'Artois : l'hypothèse principale lie l'essor de la persécution des sorciers à l'émergence d'un pouvoir nouveau aux marges septentrionales du royaume de France, celui des ducs Valois de Bourgogne. Dans cette perspective, la Vauderie d'Arras ne concerne plus seulement l'histoire d'une ville ou même celle de l'Inquisition. Il s'agit aussi d'un véritable enjeu de pouvoir entre deux souverainetés antagonistes et de nature différente : l'une, celle du roi de France, ancienne et sûre d'elle-même, efficacement relayée par le Parlement de Paris ; l'autre, celle des ducs Valois de Bourgogne, récente et peut-être d'autant plus agressive qu'elle doit aussi établir son autorité sur les grandes villes des Flandres et de l'Artois.