depuis plusieurs décennies, le système de santé est réputé en crise. Année après année, le " trou de la Sécu " réapparaît avec un même cortège de difficultés et de menaces. Il ne s'agit plus seulement d'assurer tant bien que mal les équilibres comptables ; il faut désormais entrer au coeur du système de santé pour identifier les " inefficiences " et tenter d'en infléchir les logiques. C'est alors que l'économie de la santé entre en scène : elle supposée offrir les éléments de diagnostic et les remèdes indispensables à la survie d'un tel système de santé. Mais la place de l'économie ne manque pas de faire débat, qu'on lui impute une importance trop exclusive ou au contraire une influence dérisoire au regard des enjeux et des intérêts en présence. Entre les années 1950 et aujourd'hui, les rapports entre la santé et l'économie ont en effet singulièrement changé. L'appréhension du domaine sanitaire en termes économiques, encore taboue dans les décennies d'après-guerre, est aujourd'hui devenue courante, voire dominante. Comment pareille transformation s'est-elle produite ? Comment les liens entre santé et économie ont-ils été redéfinis au cours de cette période ? L'histoire de cette transformation historique implique non seulement des spécialistes en économie, mais aussi des fonctionnaires, des politiques, des professionnels de santé et des citoyens plus ou moins directement intéressés par ces développements. Plongeant dans l'écheveau des pratiques sociales et des institutions, cette analyse se situe à la frontière de la sociologie politique et de la sociologie des sciences : elle étudie la place spécifique de raisonnements économiques ayant acquis une force cognitive intrinsèque, et partant une forme d'autonomie.