Fausses nouvelles de la mort du roi, révélations de complots contre la chrétienté, dénonciations des moeurs légères des reines et princesses, accusations de crimes sexuels contre des ecclésiastiques, multiplications de miracles autour de tombes, portraits flatteurs ou infamants de grands et de petits que rien ne vérifie en dehors d'affirmations transmises à l'oral comme à l'écrit, entre voisins, amis, courtisans, guerriers et hommes d'Église : la rumeur est omniprésente au Moyen âge. Elle n'épargne aucun pan de la société, aucun groupe humain et elle est de tous les temps entre le Ve et le XVe siècle. Elle s'inscrit dans les sources textuelles de toute sorte, qui lui répondent, la confortent, la relaient ou simplement la disent avec des mots bien spécifiques. Pourtant, les médiévistes ont souvent considéré qu'ils ne pouvaient saisir dans la documentation plus que le souvenir de la rumeur. Sujet à la mode, la rumeur médiévale a principalement été étudiée, jusqu'ici, dans le cadre des rapports entretenus entre le peuple et les autorités à la fin du Moyen Âge. Envisagée sur le fond des grandes crises (guerres, révoltes), associée au défaut d'information et à la sédition, jugée caractéristique et révélatrice de l'opinion des gens de peu en rupture momentanée avec les gouvernants, la rumeur a rarement été abordée comme un phénomène de communication entre égaux (chez les élites comme chez les humbles), dans des usages socialement constructifs et révélateurs de craintes, mais aussi de revendications, d'espoirs, d'imaginaires et de croyances. C'est pour tenter de renouveler et de compléter cette approche historique, que les auteurs du présent ouvrage ont croisé les résultats de recherches menées sur le statut, la construction, les usages et la portée d'une rumeur qui n'est, au Moyen Âge, caractéristique d'aucun groupe social, économique, politique ou d'opinion spécifique. Le mépris affiché par les élites à son égard, lorsqu'elle émane des petits et de leurs ennemis, ne suffit pas à faire oublier que la rumeur est avant tout un moyen de fédérer.
LA RUMEUR, MATERIAU DES CONSTRUCTIONS HISTORIOGRAPHIQUES ET LITTERAIRES
Ut aiunt : la rumeur comme source dans l'historiographie de Galbert de Bruges et de Gautier de Thérouanne
Ecrire la rumeur : les marqueurs d'accréditation dans les sources arabes médiévales
La réputation face à la rumeur ; Fama épiscopale et mémoires ecclésiales aux XIe-XIIe siècles
LA RUMEUR DANS LES PRATIQUES DE GOUVERNEMENT
" Rumor ad nos magnum pervenit " ; Information et circulation des nouvelles aux origines du royaume franc
La rumeur, histoire d'un concept et de ses utilisations à Besançon et dans le Comté de Bourgogne aux XIVe-XVe siècles
Rumeur, circulation des nouvelles et gouvernement aux temps carolingiens
LA RUMEUR DANS LES CONSTRUCTIONS IDENTITAIRES : VIOLENCES ET DISCOURS DE HAINE
La chute de Guillaume de Longchamp (1191) ou la rumeur instrumentalisée
Rumeurs, emblèmes et guerre civile en France à la fin du Moyen Age
La rumeur dans le psychodrame grégorien : autour d'Hugues de Breteuil
LA RUMEUR EN RESEAU : RURALITE ET SAINTETE
La circulation réticulaire de l'information en milieu rural : historiographie et pistes de réflexion
" Il est un meilleur roi que le roi d'Angleterre " ; Note sur la diffusion et la fonction d'une rumeur dans la paysannerie du Bordelais au XIIIe siècle
La rumeur de sainteté dans l'hagiographie des " martyrs de faits divers "
Agrégées d'histoire, Maité Billoré et Myriam Soria sont respectivement maîtres de conférences en histoire médiévale à l'université Jean-Moulin-Lyon III et Poitiers.