La résistance du religieux, naguère jugé en voie de dépassement, intrigue et dérange. Régression passagère de l'humaine raison, en des temps marqués par l'effacement des idéologies de progrès, ou solidité inaltérable d'une forme culturelle sui generis ? Le philosophe, tenant depuis deux millénaires d'une réflexion émancipée, se doit d'affronter la question. Analyse de la notion : On confrontera deux approches adverses, celle selon laquelle aucune société ne peut se passer de religion, et celle qui maintient que l'âge de la religion est en un sens terminé. D'un côté, la religion apparaît comme un constituant indépassable du lien social, de l'autre, elle appartient à l'ordre de l'imagination subjective, particulière, potentiellement abusive. Dans ce débat, se nouent les questions vives de la tolérance, de la laïcité et des choix éthiques. Etude de textes : Cicéron met en avant l'aspect civique de la religion ; Spinoza considère la foi d'un point de vue pragmatique et développe un noyau rationnel commun à toutes les religions ; Lucrèce démontre que la terreur religieuse est produite par l'homme lui-même, qui s'en délivrera par le savoir ; pour Bergson, l'intelligence frôlant à tout moment la dissolution, il appartient à la religion, force créatrice, d'assurer la cohésion du tout. Pour Hegel enfin, le contenu théorique de la religion est le même que celui de la philosophie : c'est une manifestation authentique mais partielle de la vie de l'Absolu.
Jacqueline LAGREE, agrégée de philosophie, professeur des universités (Rennes-I), a publié plusieurs ouvrages sur les questions religieuses à l'Age classique.