De la naissance de la République à 1914, l'idéologie pénitentiaire demeure constante : la prison doit être un lieu de peine, mais aussi d'amendement ; elle est faite pour transformer les délinquants autant que pour les punir. Pour les républicains, une discipline ferme mais humaine et les bienfaits de l'instruction peuvent toujours ramener le délinquant au droit chemin, c'est-à-dire à un comportement conforme aux valeurs de la République. Dès lors, son idéal lui commande, plus qu'à toute autre forme de gouvernement, de se pencher sur les prisons, de les transformer, de les humaniser enfin. Or la République ne le fait pas. C'est, dira-t-on, faute de moyens plus que de bonnes intentions. Mais, précisément, la question posée est bien celle-là : pourquoi la République s'est-elle refusée à prélever les ressources nécessaires pour changer la prison, en finir avec la misère, la promiscuité, la corruption de la vie carcérale, toujours dénoncées et toujours reconduites ? Pourquoi accuser les tares d'un système pénitentiaire indigne des valeurs de la République et de son intérêt bien compris, puisqu'il nourrissait la récidive et cependant se garder d'y remédier ? A travers le prisme de ses prisons et de sa politique répressive, c'est un visage secret de la République qui se révèle.