Les débats sur la politique de santé mentale se déploient en tous sens : sur la "sécurité", sur l'insuffisante prévention de la récidive, sur le manque d'accès au soin, sur les dérives technocratiques, sur les atteintes à la dignité de la personne humaine, sur les soins les plus efficaces. Plus généralement, le langage de la santé mentale et de la souffrance psychique est devenu un des vecteurs les plus habituels pour parler des tensions sociales ou des troubles existentiels. Enfin, la question du soin est instrumentalisée dans le cadre d'une pratique émotionnelle de la politique. En même temps, la psychiatrie comme discipline médicale est confrontée aux impératifs gestionnaires de la rigueur budgétaire. Face à l'extension de diverses formes de souffrance psychique, la psychiatrie est appelée à devenir l'acteur central d'une politique de " santé mentale ", dont les tentatives de rationalisation ne sont pas sans susciter de multiples débats. Ces questions ont été jusqu'ici peu étudiées par les sociologues. Le présent ouvrage en propose une description et une analyse synthétique. Comment se construit une politique de santé mentale? Quels en sont les acteurs? Les outils? Les enjeux ? Les connaissances ? Quelles controverses traversent aujourd'hui son champ? Ces différents angles d'analyse mettent en évidence les incertitudes propres à notre modernité tant sur la construction des subjectivités que sur les conceptions politiques et éthiques du lien social.
Lise Demailly est professeur émérite de sociologie à l'université de Lille 1 et membre du CLERSE. Michel Autès est sociologue, chargé de recherche au CNRS dans l'équipe du CLERSE, à l'université de Lille 1.