Deux préjugés ont grevé la réception de l'œuvre d'Arendt, en particulier en France. L'un : que l'étude des " origines du totalitarisme " et de sa nature (comme modèle politique portant bien au-delà du prototype nazi) ne définirait pas seulement le point de départ de ses questions, mais en bornerait les enjeux. L'autre : qu'à travers les étapes et les détours d'une pensée de la politique et de l'histoire contemporaines, elle n'aurait tendu qu'à rejoindre la tradition philosophique (la méditation sur " la vie de l'esprit "). Convoquant tour à tour l'analyse des révolutions, la critique du travail et du mouvement ouvrier, le questionnement sur la publicité, la société du spectacle et la capacité de juger, le présent ouvrage entend restituer ce qui fait l'originalité de la réflexion d'Arendt sur l'histoire et la politique. Il la replace dans la lignée de Machiavel, de Montesquieu et de Tocqueville, dans la confrontation déterminante avec Marx, dans l'opposition constante à la philosophie politique. Justifiant la posture non-philosophique qu'elle n'a cessé de revendiquer. Démontrant par là même quel bénéfice réel la philosophie peut tirer d'une provocation qui l'expose à la puissance sauvage de l'événement, et à l'étonnement qu'il doit susciter.
Anne Amiel, ancienne élève de l'École normale supérieure, agrégée et docteur en philosophie, enseigne actuellement en Lettres supérieures. A publié en 1996 Hannah Arendt, politique et événement (PUF).