Comme le soulignèrent les maîtres du IIIe Reich dès 1940, la France était appelée à jouer, dans une Europe sous égide allemande, le rôle d'une "Suisse agrandie" vouée au tourisme et aux productions de mode. Conception révélatrice - qu'il avait déjà développée dans Mein Kampf - de la volonté d'Hitler d'affaiblir durablement le vaincu. Volonté de subjuguer un pays, mais aussi fascination doublée de perplexité par rapport à des modes de vie, de pensée, de comportements très différents de ceux des Allemands, ce qui explique certains flottements - accentués encore par la compétition entre plusieurs administrations allemandes. Grâce principalement à l'analyse des documents allemands (bien peu exploités jusqu'à présent) que complètent, éclairent ou infirment des pièces d'archives françaises, des Mémoires, etc., on comprend mieux pourquoi et comment la mise au pas d'un pays de quarante-cinq millions d'habitants put atteindre de telles proportions en si peu d'années, et ce avec des effectifs ne dépassant pas 40 000 hommes. Pourquoi et comment aussi le contrôle du territoire et de son administration, l'épuration et la surveillance de tous les secteurs de la vie publique ont pu s'effectuer sans difficultés notables alors que l'emprise idéologique et culturelle n'a pas abouti aux résultats escomptés.
Professeur d'histoire et de civilisation des pays de langue allemande d l'université Paris-VII, Rita Thalmann a consacré sa carrière de chercheuse à l'Allemagne et au nazisme.