Serait-on passé à côté d'autres " années trente " ? La liste est longue des indices, longtemps négligés, d'une ambiance de quête, d'urgence et d'invention que distillent les jeunes années de la monarchie de juillet. Entre l'immobilisme prudhommesque et la répétition lancinante de journées révolutionnaires s'opèrent bien des changements : humanisation des peines judiciaires, création de grandes institutions culturelles, jeux complexes avec le passé récent, mise en place de nouveaux instruments de surveillance ou d'appréciation des opinions, émergences de mesures prophylactiques, intrusion de l'expertise en diverses matières, besoins d'intégration nationale, interrogations sur le peuple et son travail... De fait et malgré les tramages hérités du Consulat et de l'Empire, une nouvelle France, ou peut-être une nouvelle vision de celle-ci, semble se dessiner qui commande des réformes et des ajustements. Une relecture de ces années s'imposait donc pour essayer de mieux comprendre cette convergence de phénomènes, éclos dans l'aval révolutionnaire, et trop vite imputés au changement de régime. La réalité, dont rendent compte les réflexions rassemblées ici, est ambivalente et dépasse la tension accoutumée entre Résistance et Mouvement. Se mêlent, en effet, les fruits mûris du réformisme de la Restauration finissante, l'imitation de ce qui s'expérimente ailleurs, le besoin irrépressible de ruptures, la crainte inverse de l'entraînement, mais aussi l'interrogation sur l'" esprit du temps ". Et les idées sont là qui se précisent : on parle de " système ", de culte national, on rêve catégories et nomenclatures, en même temps que le futur s'ensemence des travaux d'une génération appelée à durer. Bref, Etat et sociétés trouvent moyens et acteurs pour s'ordonner. Trait majeur, l'espace public devient médiatique et engendre l'opinion, ce qui explique, peut-être et paradoxalement, la glaciation des années 1840.