La publication récente des Ecrits philosophiques et politiques de Georges Canguilhem (1926-1939) (Vrin, 2011) éclaire d'un jour nouveau le champ agonistique dans lequel apparaît une génération formée dans le pacifisme et le refus du culte du fait, à l'école d'Alain, mais bientôt confrontée à l'ascension du nazisme et à l'exigence de la Résistance. Tandis que les enjeux majeurs de la philosophie en France après 1945 tournent autour de Hegel, la génération qui suit voudra s'en déprendre, mais sous une autre condition qu'une philosophie existentialiste. Georges Canguilhem, philosophe saisi par l'histoire des sciences de la vie et Résistant, rompt avec le statut d'élève d'un Alain pacifiste, pour endosser celui de maître de cette génération à l'origine d'une discontinuité radicale dans le champ philosophique. On ne saurait comprendre ni Althusser et l'althussérisme, ni Lacan et les lacaniens, ni Bourdieu, Castel ou Passeron sans Canguilhem, de même que le débat d'idées qui a précédé et suivi le mouvement de mai 1968, affirme Michel Foucault. Revenir sur la formation de Georges Canguilhem, c'est alors se poser la question de la singularité d'un combat philosophique.