Les sophistes grecs soutenaient que, l'homme étant la mesure de toutes choses, il n'existait aucun point d'appui permettant de distinguer le bien du mal, le vrai du faux, le juste de l'injuste... Socrate s'est dressé contre eux et la philosophie grecque a pris son envol. Notre temps pourrait tirer le plus grand profit d'une réaction même plus modeste, car l'irrationnel a fait son grand retour, comme si le balancement entre le rationnel et l'irrationnel devait fatalement aller de l'un à l'autre, sans jamais pouvoir s'arrêter sur la position rationnelle. Depuis un bon demi-siècle, le subjectivisme, le relativisme et le culturalisme partent sans répit à l'assaut de l'objectivité, de l'universalité et de la rationalité. Aujourd'hui comme hier, ce constat soulève trois questions conjointes. La première porte sur la propension humaine à l'irrationnel. La deuxième concerne sa production, ses animateurs, ses thèmes, ses campagnes, ses manoeuvres. La dernière s'occupe de sa réception, ses canaux, ses relais, ses séductions, ses victimes, ses conséquences. Vingt-cinq spécialistes reconnus de l'irrationnel contemporain, réunis en colloque du 19 au 21 novembre 2019 à la fondation Del Duca, ont cherché à dégager les racines profondes du phénomène et à repérer ses principales excroissances, de manière à le comprendre et l'expliquer.