Voici le premier livre en français sur l' " autre " goulag, édifié par Staline et Iagoda, son " ministre de l'Intérieur ", aux fins de " purifier socialement " l'Union soviétique. Sur l' " île aux cannibales ", ont été déportés 6 000 " éléments socialement nuisibles ". Isolés dans cet endroit désolé, Nazino, perdu au milieu du fleuve Ob, les déportés débarqués sans provisions ni outils ont subi la torture de la faim au point de s'entre-dévorer. Passé sous silence pendant soixante ans, l'épisode est aujourd'hui révélé par Nicolas Werth. Sa reconstitution permet de comprendre le fonctionnement des " peuplements spéciaux ", elle met en évidence une élimination inévitable, sinon programmée, autant que l'absence de coordination entre les différents maillons de la chaîne répressive. Elle montre aussi la violence sociale qui régnait en Sibérie, terre de déportation et de colonisation. Enfin L'Ile aux cannibales offre un fascinant cas de perte des repères humains quand les individus sont soumis à une situation extrême dans un lieu clos. L'lle aux cannibales, c'est l'histoire d'une décivilisation en plein XXe siècle.
Nicolas Werth, directeur de recherche au CNRS, a notamment participé au Livre noir du communisme et codirigé une Histoire du Goulag (6 volumes, Moscou, Rosspen, 2004).