Dans un règne totalitaire, le langage est sans doute l'instrument le plus efficace de la répression : il devient alors propagande. L'objet du livre de Petr Fidelius est d'en démonter les mécanismes subtils. Il ne s'agit pas seulement de dire que la propagande en Tchécoslovaquie ment, mais aussi que beaucoup la sous-estiment, l'occultent, la méprisent, ou la traitent avec ironie. Réagir ainsi, c'est se laisser prendre à son influence indirecte. La propagande corrompt le langage, dévie les mots de leur sens ordinaire, et joue donc subtilement avec les éléments structurels de tous les énoncés, ceux dont tous les individus sont dépendants pour transmettre des contenus de pensée quels qu'ils soient. Fidelius analyse avec une grande rigueur des exemples de déviations du sens de mots clés, comme "peuple", "démocratie", "socialisme" ; ce qui lui permet aussi de dresser le tableau de l'organisation sociale "tchèque". Ne pas dénoncer ce processus linguistique, c'est aider à supprimer la possibilité même de chercher la vérité. Basé sur une analyse sémantique remarquable, le livre de Fidelius est un implacable réquisitoire contre un pouvoir qui par-delà ses évidents mensonges sait, lui, ce qu'est le poids des mots.