Tout écrivain souffre d'angoisse dans l'exécution de son oeuvre. Mais certains écrivains, les penseurs, les poètes notamment, révèlent une angoisse plus profonde, congénitale. C'est cette anxiété qu'on trouve chez Gérard de Nerval ou Baudelaire aussi bien que chez un poète élisabéthain comme Henry Vaughan. Après avoir cité et commenté des textes d'angoissés illustres - Kierkegaard, Kafka... - et les sujets d'angoisse - crainte des échecs dans la vie, appréhension de la maladie, de la mort, etc. Edmée de La Rochefoucauld a recueilli ici des études sur Paul Valéry et Marcel Proust. Nul ne s'en étonnera. On se souvient que le premier inscrivait dans son cahier B 1910 : " Angoisse mon véritable métier ", et on se rappellera que le second, tourmenté à l'idée de ne pouvoir mener à bout sa Recherche, déclarait finalement au printemps de l'année de sa mort : " Maintenant je ne suis plus inquiet. Mon oeuvre peut paraître. Je n'aurai pas donné ma vie pour rien. " Mais pourquoi parler aussi de Léonard et de Goethe ? C'est qu'il existe des êtres secrets comme Léonard qui cachent les réactions de leur sensibilité, d'autres comme Wolfgang Goethe qui sont parvenus à se dominer apparemment, à atteindre un calme " olympien ". Quant à Molière, c'est sous un angle spécial qu'il a été considéré dans les pages qui suivent. L'éducation des filles est un sujet angoissant autant pour les législateurs d'une société en constante évolution que pour les femmes elles-mêmes soucieuses d'un véritable équilibre. Molière d'ailleurs, au dire de Jean de La Varende, était lui-même un anxieux s'efforçant, grâce à son génie et à sa triple profession de dramaturge, de directeur de troupe et de comédien, d'échapper à son " angoisse naturelle ". Un texte sur ce personnage, au demeurant extraordinaire, pouvait donc trouver place dans ce livre consacré à l'" Angustia ".