La guerre est finie depuis seize ans et Boumediène se meurt, on vient de l'apprendre. Est-ce pour cela que lui, trois jours seulement après son arrivée à Paris, a voulu repartir pour Alger ? Ils venaient à peine de se retrouver. Elle ne lui a rien demandé, comme au temps de la clandestinité, du don de soi, de l'ascèse. Par tendresse ressuscitée ? Par indifférence au présent _ leurs vies sont désormais si différentes...
_ et parce que seul importe le passé? Voici qu'il tombe, inanimé, à Orly. Edith veut savoir pourquoi, aller auprès de lui, vite. Le commissaire la retient : qu'est revenu faire en France, à ce moment délicat, ce vieux révolutionnaire algérien ? Qui a-t-il rencontré? Quand et comment se sont-ils connus ? Edith se mure dans ses réminiscences et leur reviviscence. F. L. N. , colonisation, révolution.
Planques, traques, valises de fric. Faux-noms. Les petites failles et les grandes scènes. Mais aussi la forêt, la Clairière, l'allégresse au milieu des arbres et des enfants qui étaient alors encore des enfants. Et, au sommet des montagnes, le " contraire de la guerre ", la communion, l'aman. L'aman : la trêve, la paix, la confiance. Mais aussi la sauvegarde. Sera-t-il sauvegardé, le passé? Et lui, au présent, qui maintenant seul importe ? Le temps des âges d'une vie, le temps dilaté de l'amour, le temps effiloché des souvenirs, le temps minuté de la maladie à pic sur la mort, le temps long des civilisations qui séparent, le temps haletant des guerres qui fracturent ou rapprochent, le temps des continents qui dérivent, débordant notre temps, notre vie comme notre mort.
Evelyne Sullerot, sociologue, a publié une douzaine d'ouvrages et de rapports d'expert, nationaux et internationaux, sur la condition féminine, l'emploi, les salaires, la formation, la démographie, et en particulier, chez Fayard, un ouvrage collectif sous sa direction, Le Fait féminin. Elle est membre du Conseil Economique et Social. Ce livre est son premier roman.