Si tout le monde sait que la France et l'Allemagne sont les deux principaux partenaires de la construction européenne, on sait moins qu'à différentes reprises, une fois surmonté l'échec de la CED, elles ont, aussi bien sous la IVe République qu'avec de Gaulle ou Mitterrand, sérieusement envisagé d'établir entre elles une véritable communauté militaire et stratégique face à la menace soviétique. Elles n'y sont jamais parvenues, à cause du poids de leurs arrière-pensées réciproques, à cause aussi des réticences, voire de l'opposition de leurs partenaires européens, des Etats-Unis et en son temps de l'URSS. Néanmoins, leur dialogue n'a jamais cessé depuis 1954 et a connu une remarquable continuité, conduisant en particulier au traité de l'Elysée puis au traité de Maastricht, lequel comporte un important volet stratégique : il sera peut-être l'un des éléments essentiels de cette politique extérieure et de sécurité commune que la conférence intergouvernementale de Turin essaie en ce moment même de mettre sur pied dans un contexte international transformé par la fin de la Guerre froide. Ce dialogue reste au coeur de l'avenir de l'Europe qui doit choisir entre développer sa personnalité ou bien se fondre dans l'univers atlantique. Ce livre relate également l'histoire de la dimension stratégique de la construction européenne qui permet de repérer certaines structures permanentes de la politique extérieure de la France comme de la RFA et de leurs rapports, notamment le poids des questions nucléaires, les problèmes de l'Alliance atlantique, ceux d'une défense européenne, et de souligner les arrière-pensées divergentes de Bonn et de Paris. C'est une mise à plat décapante qui est ici offerte et qui permet de comprendre pourquoi l'alliance franco-allemande, si logique et nécessaire soit-elle, est restée une " alliance incertaine ". Professeur d'histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne, spécialiste des relations internationales, Georges-Henri Soutou est l'auteur de nombreux travaux. Il a notamment publié L'Or et le Sang Les buts de la guerre économique de la Première Guerre mondiale (Fayard, 1989).