"Allez chercher la plus belle femme de la terre... Quand vous serez parvenu à l'illumination à force de prier sur ce tapis de chair, vos yeux s'ouvriront sur la réalité". Ainsi parla l'ermite Kou-Fong, et le Jeou-P'ou-T'ouan n'est autre que la quête obstinée du lettré Wei-Yang-Cheng pour aboutir, à travers l'érotisme, ã l'extase spirituelle. Rien n'est moins occidental, rien n'est moins chrétien que cette littérature hors du péché, déliée de toute pudibonderie, candide dans sa crudité. La recherche de la volupté, minutieusement détaillée, ne s'y accompagne d'aucune perversion morbide. Le tendre souci du plaisir de l'autre y est toujours présent. Les personnages traditionnels, brigand, moines, marchands, magicien, 'maquerelle, animent mille scènes charmantes ou malicieuses, où l'humour ne perd jamais ses droits. Car ce roman, écrit vers 1640 semble-t-il par l'auteur dramatique Li-Yu, est issu autant des fabliaux populaires que des prêches bouddhiques ; il unit savoureusement les anecdotes scabreuses et les leçons de morale. La traduction de Pierre Klossowski, sur un mot-Ci-mot établi par un jeune sinologue, respecte ce double aspect sans rien édulcorer ou travestir d'un des plus célèbres romans érotiques chinois. Une préface d'Etiemble situe allégrement cette "odyssée" un peu particulière dans le grand courant d'une civilisation et d'une littérature jusqu'ici trop peu connues.