Le Soûtra de la Liberté inconcevable enseigné par Vimalakîrti exprime la vue la plus élevée du bouddhisme du Grand Véhicule (Mahâyâna). Pourtant, dans la littérature bouddhiste comme dans la littérature religieuse du monde entier, ce " texte sacré" doit faire ligure de monstre : en effet c'est une mine de provocations, de paradoxes, de contradictions, voire d'incitations à l'Hérésie et aux passions les plus pernicieuses, qui mérite sinon exige, éclaircissements et commentaires. Confronté l'une des descriptions les plus crues du Réel, on peut aisément se sentir désemparé, on cherche le garde-fou d'une glose, même si l'on admet avec ce texte étrange que les symboles, les explications et toutes choses sont parfaitement irréels et fantasmagoriques. Voici donc la traduction complète du premier commentaire chinois de ce trésor de l'esprit, un chant à trois voix où, dans le plus grand classicisme emprunt de la plus grande liberté, le célèbre traducteur Kumârajîva et deux de ses principaux disciples s'emploient à nous rassurer sur l'impossible Réel, à moins qu'ils ne nous épouvantent plus encore à son sujet. La grande compassion n'est pas sans provoquer une certaine terreur lorsqu'elle suggère d'en finir avec la méprise qui nous constitue ainsi qu'avec toutes les habitudes de souffrance que cette méprise engendre sans répit.