Intimement liée aux mythes de la décadence et de la dégénération de l'homme moderne, la thématique du retour à la nature joue, dans l'histoire de l'industrialisation et de l'urbanisation des sociétés
occidentales, un rôle que l'on ne peut négliger. Parmi les expériences et les réalisations qu'elle a pu susciter, les programmes naturistes de réforme des modes de vie, qui apparaissent en France dans la dernière décennie du XIXe siècle, occupent une place particulière en raison de la variété des milieux sociaux qu'ils concernent et de la diversité des formes par lesquelles se manifeste leur ambition régénératrice. C'est à la genèse de ces programmes, aux enjeux culturels et sociaux de leur formulation, aux types d'organisations et aux normes de comportement auxquels ils donnent naissance qu'est
consacré cet ouvrage. Il s'agit moins ici de suivre les péripéties de la vie des associations naturistes que de chercher les raisons pour lesquelles, entre la Belle Époque
et les années trente, la modernité urbaine et industrielle a pu être considérée comme responsable d'un déclin qui rendait nécessaire la régénération de l'homme et de la société par le retour à la nature. L'histoire du naturisme nous offre ainsi un point d'observation pour tenter de comprendre comment une croyance, partagée par des individus venus d'horizons différents, peut produire un imaginaire collectif et susciter la formation de groupements au sein desquels s'inaugurent de nouvelles normes et de nouvelles pratiques sociales.