Cet ouvrage, désormais classique, nous offre une précieuse synthèse qui replace les grandes étapes de la construction de l'Italie dans une perspective européenne. Procacci y met en évidence les faits politiques tout autant que sociaux, économiques et culturels qui ont marqué la Péninsule de l'an mille jusqu'à aujourd'hui. Il évoque en particulier la prospérité de Gênes et de Venise, puis de Florence et de Milan et de tant d'autres cités, leur exubérance culturelle, leurs rivalités et leur décadence tardive qui annoncent toute l'histoire italienne, mais il montre aussi comment cette " civilisation communale " a joué un rôle essentiel dans le passage de l'économie médiévale au capitalisme. Reprenant également la thèse de Gramsci sur la fonction des intellectuels, il accorde une large place aussi bien à Dante qu'aux grandes figures de l'humanisme et de la Renaissance, la période la plus riche de l'histoire italienne, comme à ceux du Risorgimiento qui allaient créer l'Etat italien. L'unité enfin réalisée, le pays décollerait lentement, car dans une société largement rurale l'Etat moderne, selon Labriola, engendre le sentiment général de l'incohérence de tout et de toute chose. " Incohérence, constate Procacci, ce mot se retrouvera plusieurs fois à mesure que l'on avance dans l'histoire de l'Italie. Il faudra en effet bien des années après la Belle Epoque, qui ne sera qu'un court répit avant les heures noires du fascisme et de la guerre, pour que l'Etat libéral anémié se transforme en une démocratie moderne.