La disparition de Franz Kafka, le 3 juin 1924, passa inaperçue dans le monde des lettres. La seule trace fut un article nécrologique que Milena fit paraître dans un journal pragois. Un an ne s'était pas écoulé que son ami Max Brod publiait Le Procès et livrait ainsi le nom de Kafka à la postérité. Chacun sait qu'il enfreignait, ce faisant, la volonté expresse de l'auteur. Et Le Procès n'était que le premier pas : on allait bientôt tout imprimer, y compris le plus intime et le plus secret. Ainsi le veut le siècle où nous vivons. Max Brod a préféré la littérature à la piété. Mais qui aujourd'hui voudrait rouvrir ce procès ? La vie de Franz Kafka, faite de frustration et d'angoisse, semble au premier regard tout à fait vide. Mais, dès qu'on la suit de plus près, il n'en est pas de plus romanesque et, dans son malheur, de plus humaine. Une inguérissable névrose est entretenue à tout moment par l'intelligence la plus aiguë, par la conscience la plus exigeante. L'oeuvre qui a marqué le plus notre époque apparaît, ici, reliée à ses racines nourricières. Il existait une abondance d'études sur Kafka ; les " interprétations " se multipliaient, presque à l'excès. Mais une biographie d'ensemble manquait. La voici. Nul n'était mieux qualifié que Claude David, l'éditeur et le commentateur des OEuvres complètes de Kafka, pour l'écrire.