Dès lors que l'on se penche sur la situation des femmes africaines dans des sociétés touchées par le sida, un certain nombre de stéréotypes apparaissent (" vulnérabilité ", " prostitution "...), qui simplifient une réalité complexe et introduisent des éléments de stigmatisation des femmes. A partir d'une discussion de ces notions, cet ouvrage se propose de montrer comment le sida, en Afrique, tout à la fois révèle la nature des situations vécues par les femmes (rapports à l'homme, au désir d'enfant, à la maladie...) et en accélère les évolutions. L'objectif est de rompre avec un discours univoque qui, soit présente les femmes dans une attitude passive face au sida et les montre comme des victimes incapables de réagir, soit, à l'inverse, tend à les présenter comme de puissants transformateurs du rapport à l'épidémie dans le sens de sa maîtrise : est ici défendue la nécessité d'un regard plus nuancé sur les avancées et les conservatismes révélés par le sida. Jusqu'alors rarement associées, perspective historique et démarche anthropologique mettent en lumière une maladie qui se présente pour les femmes comme un double révélateur : de capacités de négociation et de permanence de registres de forte tutelle masculine. L'enjeu fondamental pour l'avenir est donc de faire en sorte que le temps des femmes dans la " lutte contre le sida " - aujourd'hui arrivé, de l'avis de tous -, soit celui de la négociation des risques, dans les domaines de la sexualité, de la maternité, du travail ou de la recherche de soins.
Laurent Vidal est docteur en anthropologie ; chargé de recherche à l'Institut de Recherche pour le Développement (ex-ORSTOM) ; directeur du Centre IRD de Sciences sociales (Abidjan, Côte-d'Ivoire).