La littérature de jeunesse française propose aujourd'hui un répertoire de formes créatrices nouvelles, de véritables expériences de la parole. Telle est l'hypothèse de ce livre qui envisage donc le tournant que cette littérature a pris depuis les années 70, lorsqu'elle s'est émancipée de ses fonctions traditionnellement éducatives et moralisatrices. Prenant conscience de ses pouvoirs propres, des interactions fécondes entre texte et image, empruntant aux avancées du récit tout au long du XXe siècle, elle peut être envisagée comme un laboratoire où la parole, dans tous ses états, se met à l'épreuve. Jeux polyphoniques des romans et des albums pour enfants, politique éditoriale d'une maison aussi inventive que Le Rouergue, poétique d'une oeuvre singulière comme celle de Philippe Corentin : l'analyse se déploie donc entre des expériences formelles qui visent plus profondément à interroger et à problématiser le statut de la parole. Entre création (pour les auteurs étudiés ici) et réception (pour les jeunes lecteurs comme pour les médiateurs), c'est aussi une réflexion sur les vertus de l'affabulation à laquelle ce livre voudrait inviter. Il accompagne ainsi l'interrogation que tout sujet porte sur le langage, le ramenant à cet état d'enfance qui est sans doute l'ambition de toute vraie littérature.