Le plus brillant des trois grands architectes visionnaires du dix-huitième siècle, avec Lequeu et Ledoux, Etienne-Louis Boullée annonce une architecture nouvelle, issue de l'Antiquité et interprétée par l'emportement des Soufflot, des Piranèse et autres. Il a créé les prototypes d'un style révolutionnaire et reconstruit, selon de nouveaux principes, toute la doctrine architecturale. Par les liens qui l'unissent aux sciences naturelles, à la morale naturelle, à la religion naturelle, ce que l'on peut appeler l'esthétique naturelle de Boullée est déjà plus qu'une esthétique. Le principe du déterminisme du milieu, si communément admis par les esprits du dix-huitième siècle, fait de l'architecture l'instrument idéal d'une action sur la morale sociale. L'art révolutionnaire et la révolution politique se réclament d'un même intérêt pour l'Antiquité, la nature, la vertu primitive, la raison. Ballotté par la diversité des aspects de l'art néo-classique, Boullée est partagé entre les deux tendances extrêmes de l'académisme et de l'esthétique révolutionnaire. On trouve des correspondances profondes entre ses théories et celles de Le Corbusier sur la distribution de la lumière dans l'espace architectural, entre ses conceptions et celles de Frank Lloyd Wright sur l'intégration de la lumière et de l'architecture.